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Nous grandirons ensemble

mlodeve sans frontière ...


Lundi 21 Janvier 2019 : aujourd'hui, on quitte Lodève pour rejoindre l'amphi 7 de la faculté de droit de Montpellier où est organisée, par l'association Nouveau Monde, une rencontre entre Edgar Morin et Pablo Servigne autour de cette question « Vers un effondrement ? ».
Pour ma part, c'est un retour dans cette fac que j'ai quittée en 2005 à l'époque de la Charte de l'Environnement, du développement durable, où l'on ne parlait pas encore (en tout cas dans le grand public) d'effondrement et de collapsologie.
L'amphi n'a pas changé mais le public présent ce soir n'est plus du tout à fait celui qui l'occupait à l'époque : il y a des gens de tout âge, des chevelus, des cheveux gris, des décoiffés, des sweats à capuches, des étudiants aux doigts fins, et des visages et des mains sur lesquels le(s) temps, la clope et le travail ont laissé des traces.

C'est plein. Sur la scène, Edgar Morin 98 ans, Pablo Servigne 40 ans et Damien 25 ans.

Silence, ça commence. 1h30 de discussions. Quelques idées, quelques mots retranscrits ici à ma manière, une sélection forcément une peu partiale, avec des citations prises à volée et peut-être pas prononcée exactement telles quelles par les intervenants. Pas d'inquiétude, tout a été filmé par Nouveau Monde et sera disponible prochaine en ligne !


Effondrement vs effondrements ?
Pour répondre à cette question, retour sur la « pensée complexe » d'Edgar Morin.
Pour faire simple, un système complexe est un système plein d'éléments et plein d'interactions entre les éléments. On peut comprendre les interactions mais les modélisations ont des limites (« phénomènes de seuil » quand tout bascule, « phénomènes d'irréversibilité » quand le retour à la normale n'est plus possible, « boucles de rétro-actions »...). L'incertitude prédomine, y compris en matière d'effondrement (est-ce qu'on va vivre l'effondrement, comment se manifestera-t-il ? quand arriveront les catastrophes ?)
En gros, nous explique Pablo Servigne : « démonter le moteur d'une voiture, c'est compliqué mais on peut le remonter ; démonter Madame, c'est complexe, il y a trop d'interactions subtile, on ne pourrait pas la remonter ! »

Pablo Servigne fait un pas en avant : Comprendre la complexité des systèmes, « c'est voir et penser l'incertain ». Par rapport à l'effondrement, ça permet d'en parler, « y apporter des nuances », « rouvrir les possibles et les horizons ».

Finalement, les deux intervenants ont l'air de s'accorder sur cette contradiction apportée par Edgar Morin : « TOUT ne peut s'effondrer » : l'histoire nous apprend qu'il n'y a pas d'effondrement annihilant (les petits mammifères ont profité de la disparition des dinosaures, des germes de culture grecque ont ressuscité suite à conquête de la Grèce par les Romains). Il y aura des « désastres », « des catastrophes » : raréfaction des ressources, difficultés d'approvisionnement... « Il y aura des germes ».
Pablo explique que nous faisons déjà face à des effondrements : dead zones dans les océans, oiseaux, cracks boursiers... Ils sont interconnectés. Or, il n'y a pas d'outils pour penser tout ensemble.

Village mondial & Oasis
Pour Edgar Morin, face aux menaces accrues, nous sommes liés par une communauté de destin. Pour autant, il n'y a pas de « sentiment néohumaniste », les « esprits se referment idéologiquement ». On assiste à une régression politique (repli), intellectuelle (recherche de responsables), économique (basse qualité des produits alimentaires, sauvagerie des productions agricoles), éthique (corruption).
Selon lui, la mondialisation repose sur 3 forces aujourd'hui :
1. la science,
2. la technique,
3. l'économie.
Mais plus aucun de ces moteurs n'est contrôlé par l'intelligence humaine. « Le calcul règne » et nos dirigeants, « éconocrates », nous connaissent « comme des objets », sans tenir compte de complexité des êtres que nous sommes. La « société des connaissances » remplace celle de la connaissance : les connaissances se sont multipliées mais ne sont pas connectées. « La pensée politique est réduite à l'économie » et « les politiques sont inconscients qu'ils sont dans un vide de pensée », c'est « grave ».

Il souligne que, dans ce contexte, se créent des oasis (des initiatives mêlant accomplissement individuel et participation à une communauté) et qu'il faut qu'ils se multiplient car ce sont des lieux :
1. de « sauvegarde des valeurs humaines essentielles »,
2. d' « avant-garde de la nouvelle civilisation », des lieux de « possibles ».
« Des idées perçues déviantes peuvent devenir des idées épidémiques ! », « il faut semer sans arrêt ! ».


La vie, la mort, la vie
De la collapsologie (connaissance) nait la « collapsosophie » (sagesse) : comment vivre avec ça ? Quelle.s voie.s intérieure.s et extérieure.s emprunter ?

Pour Pablo Servigne, nous vivons dans une société patho-adolescente qui n'accepte pas la mort, ni d'avoir besoin des autres. On croit tout maîtriser, or « la science ne peut et ne doit pas tout traiter », d'autres sources d'inspiration existent, d'autres grilles de lecture de la vie sur terre (animisme, totémisme, écoféminisme ... ).
« Etre adulte, c'est accepter la mort », savoir que « la mort permet la vie ».
Un auditeur l'interroge sur l'absence, chez nous, du rite de passage de l'âge adulte. Pablo répond que « le passage de l'enfance à l'adolescence est le passage de la dépendance à l'indépendance », celui de « l'adolescence à l'adulte est le passage vers l'interdépendance ».
Edgar ajoute : « Le problème humain, c'est de garder en lui tous les âges de la vie » :
1. de l'enfance : le jeu, la curiosité, la capacité à aimer,
2. de l'adolescence : les aspirations,
3. de l'adulte : la responsabilité ». Avoir de l'expérience et tirer de l'expérience.

La question d'avoir des enfants dans ce monde est forcément posée par quelqu'un dans la salle. Pour Edgar, « faire des enfants est un acte de solidarité avec l'aventure humaine ». Pablo en a, ce n'était pas son souhait il y a quelques années, ça a été son choix et celui de sa compagne. « Autant de peurs que de joies » : au-delà de la mort, être adulte c'est aussi accepter la possible mort de son enfant.
On peut penser aux « jeunes pousses » en faisant des enfants. On peut choisir de ne pas faire d'enfants pour la planète, pour eux. Tout est « Ok ».

« Notre génération doit se saisir de ces questions »
Cette affirmation de Pablo Servigne devant un auditoire de personnes âgées de 20 à 80 ans invite à la fraternité.

« La civilisation est un arbre en train de s'effondrer. Nous pouvons faire le choix de nous concentrer pour redresser cet arbre, celui de nous occuper des pousses en dessous qui ne sortiront pas indemnes de l'effondrement de l'arbre, ou encore choisir de nous occuper de la clairière à venir et de préparer ses futures pousses ».

Nous avons besoin des autres. Nous sommes dans une société du « ou », il faut remettre du « et ». Pablo invite à « laisser tomber le paradigme du contrôle, sans laisser tomber la raison », tester des choses, se tromper : « quand une forêt brûle, il faut des dissonances, des dissensus, pour que les jeunes pousses prennent et qu'une forêt naisse », sinon on fait face au risque d'une monoculture infertile.
Edgar le rejoint en indiquant qu'une mauvaise perspective serait de « penser que l'on a un but », « nous sommes juste à un moment de l'aventure de l'humanité », cette humanité d'homo-sapiens « potentiellement raisonnables et potentiellement délirants ». « L'important, c'est le chemin ».

Damien, doctorant qui anime le débat et dont le regard est finalement plus noir sur les perspectives à venir que celui des invités, incite à s'engager (ex : extinction rebellion) et, timidement ajoute « avec l'Amour comme lien entre les choses »

Un mot de conclusion ? « Résister » prononce sans hésiter Edgar Morin de sa voie éraillée par le quasi-siècle qu'il a traversé.

Clap de fin, stand innovation.



En sortant de la faculté, je croise un graff : « si ce n'est pas nous, c'est qui ? ». A la peur et l'impuissance, s'ajoute la culpabilité.
Et puis au fil des rues, je réalise que, par mes actions (réduction consommation, covoiturage, marches pour le climat, atelier RIC ... ), je cherche à éviter, ou du moins limiter, la ou les catastrophe.s. Je fais partie de ceux qui cherchent à retenir l'arbre, alors qu'il est temps de regarder ailleurs et favoriser les conditions de la résilience suite à sa chute. La culpabilité n'est décidément pas bonne conseillère, et culpabiliser (soi-même ou les autres) ne sert à rien.
Il est joli finalement ce graff orange sur les pavés.

Citadine, pour MLodève

 

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29/01/2019
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