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2019, année jaune !

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paru dans lundimatin#173, le 7 janvier 2019

Lettre Jaunes #15

Depuis le début du mouvement des gilets jaunes de mystérieuses Lettres Jaunes sont diffusées sur les ronds-points et les réseaux sociaux. Nous publions ici cette 15e missive qui aborde, avec toujours autant de justesse et de poésie,
l’imminence de la fin de ce monde et la responsabilité qui nous incombe.


Chers Gilets jaunes, Chers hommes et femmes d’en bas,
Nous approchons d’un moment critique. Nous approchons d’un moment historique. Nous approchons d’un basculement de l’histoire. Nous approchons de la fin. Depuis plusieurs mois, nous menons bataille sur le terrain, ensemble, pour bloquer les tentatives suicidaires de ceux d’en haut. Nos vies, celles de nos enfants, et de nos petits-enfants sont sur un fil. Ne jouons pas aux équilibristes en mesurant les avantages ou les inconvénients de telle ou telle mesure constitutionnelle qui pourrait nous redonner, dit-on, des marges de manœuvres. Qu’on se le dise nous n’avons plus la main.


Nous n’avons plus la possibilité de définir à notre manière nos formes de vies. Qu’il s’agisse de comment travailler, de comment éduquer ses enfants, de comment manger, de comment produire, de comment s’habiller, de comment festoyer, de comment se regarder, de comment lutter, de comment partager, de comment s’embrasser, se rencontrer, de comment s’aimer ? Toute la vie est aspirée et dévorée par la machinerie d’en haut qui n’a cure de nos plaintes, de notre légalité, et de nos bons sentiments. Ceux d’en haut sont déjà des machines, et une machine, mes amis, ne sent pas, ne pense pas, elle calcule.

Chers Gilets jaunes, Chers hommes et femmes d’en bas,

En 2019, notre sol vivant, notre sol réel, à savoir tout ce qui nous entoure, la beauté et la richesse de nos paysages, la fraîcheur du bon  matin, les odeurs de jasmin ou de lilas qui emplissent l’air des rues, les angoisses de la nuit noire, les brins de soleil caressant nos visages matinaux, et aussi le rire de nos enfants dans les jardins de l’innocence, tout cela se détruit, et disparaît dans les vagues monstrueuses de la bétonisation à outrance. Mais qu’on se le dise, mes amis, il n’y a pas de paix verte, de Greenpeace à l’horizon ! Ni même de taxe carbone ! Ni même d’écologie responsable ! Et encore moins  de grenelle de l’environnement, ou de Cop 21, 22, 23 ! Tout cela n’est qu’un coup de pinceau vert sur l’immondice qui nous attend !

Alors Macron, et sa troupe d’en haut, auront beau nous souhaiter leurs meilleurs vœux. Ce n’est pas eux qui souffrent de la fin du mois, nieux qui désespèrent de la fin du monde. Non, eux désespèrent du manque de croissance ; eux s’inquiètent seulement du manque d’adaptation de la France d’en bas aux impératifs marchands d’en haut. Aujourd’hui, notre lutte d’en bas est un combat total, et sans doute le dernier. Un combat contre l’extinction programmée de l’espèce humaine. Alors, il est temps que nous engagions une vraie organisation sociale dont la base sera locale pour s’élever à l’échelle mondiale. Les problèmes d’un congolais, d’un thaïlandais, ou d’un brésilien d’en bas sont aussi nos problèmes.


Tandis qu’à l’approche des soldes, on nous encouragera certainement à dévaliser les rayons des centres-commerciaux pour apaiser nos
frustrations, imaginons-nous un vietnamien de 20 ans, délocalisé de sa terre natale où vit sa famille depuis des générations, se rendant à 6h du matin, seul, dans un champ de coton, ou dans d’immenses blocs métalliques froids, pour produire un vêtement de malheur ! Imaginons-nous la même entreprise se félicitant des bons résultats trimestriels ! Imaginons-nous maintenant, nous européens, quémander un crédit à la consommation pour enfin acheter ce fameux vêtement, ce fameux smartphone, ce fameux objet ! Imaginons-nous l’immonde ? Imaginons-nous le monde dans lequel nous vivons ? Le visage, le reflet de nos misères quotidiennes. Ce monde, notre monde. Celui que nous rendons insupportable, détestable, irrespirable, invivable au point de nous réfugier dans nos citadelles d’écrans, dans nos illusions, dans nos dénis…

Au contraire, imaginons dans nos immeubles, dans nos quartiers, dans nos villages, établir d’autres manières de produire, de consommer.
Imaginons-nous une machine à laver par immeuble ? Imaginons-nous matin pêcheur, l’après-midi au soin des enfants, et le soir à préparer la fête du coin, ou le match de foot du lendemain ? Imaginons-nous conserver nos denrées dans les bocaux de grand-mères d’hiver, et dans des lieux de partageux ? Imaginons-nous briser la propriété privée qui nous enserre, qui nous chasse, qui nous isole, qui nous expulse ? Imaginons-nous la femme enceinte de 25 ans dont les besoins ne sont pas ceux de l’homme robuste de 35 ans ? Imaginons-nous un gardien de nuit travailler 40h dans le froid glacial, et imaginons-nous un banquier travailler autant dans un bureau climatisé, avec tasse de café et entremets ? Imaginons-nous ces deux tristesses réelles ? Alors imaginons-nous une inégalité réelle, et non cette égalité abstraite, celle d’un travail abstrait, celle où le travail n’est plus considéré à partir des besoins réels et vitaux, mais en vue de besoins fictifs et imaginaires ? Imaginons-nous alors un travail réel, un travail sensé ? Imaginons-nous enfin un visage humain ?

Chers Gilets jaunes, Chers hommes et femmes d’en bas,

Cette année, notre destin est encore entre nos mains. Saisissons notre chance, soulevons les questions qui nous tourmentent, et produisons des réponses radicales et réelles en dehors de tout artifice institutionnel. Notre monde se meurt, notre monde s’effondre, la vie humaine s’éteint. Nous avons rallumé une étincelle d’espoir ! Alors, enflammons nos villages, enflammons nos villes, enflammons la France, enflammons  l’Europe, enflammons le Monde ! Que nos étincelles de révoltes jaunes se transforment en brasier créateur ! Que la destruction du quotidien se transforme en vitalité du lendemain !

Bonne année Jaune ! A nous !
Recette pour le repas de fin d’année :
1 – Pendant 40 ans, faites disparaître 60 % des animaux sauvages sur Terre.
2 – Mélangez 10 tonnes de plastique produites chaque seconde dans le monde.
3 – Ajoutez-y 237.000.000.000.000 de dollars, l’équivalent de la dette mondiale dans le monde.
4 – Saupoudrez le tout d’un yaourt ayant parcouru 9000km avant d’atterrir dans nos assiettes.
5 – Vous obtiendrez la destruction de l’humanité. Cette recette est illimitée. Elle procurera à ses invités un décès sur 6 dans le monde en raison de la pollution industrielle. Une dose de mortalité 15 fois plus importante que les guerres.



Dernière modification le mardi 08 Janvier 2019 à 21:22:46

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«Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d'eux- mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson.
On me répond: je suis médecin, je suis comptable...j'ajoute doucement: vous me comprenez mal. Je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous réjouit, vous saisit ? Beaucoup persistent à ne pas me comprendre, habitués qu'ils sont à ne pas attribuer d'importance à la vie qui bouge doucement en eux. On me dit: je suis médecin ou comptable mais rarement: ce matin, quand j'allais pour écarter le rideau, je n'ai plus reconnu ma main...ou encore: je suis redescendu tout à l'heure reprendre dans la poubelle les vieilles pantoufles que j'y avais jetées la veille; je crois que je les aime encore...ou je ne sais quoi de saugrenu, d'insensé, de vrai, de chaud comme un pain chaud que les enfants rapportent en courant du boulanger. Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser sion ne se penche pas vers elle ? Les choses que nos contemporains semblent juger importantes déterminent l'exact périmètre de  l'insignifiance: les actualités, les prix, les cours de la Bourse, les modes, le bruit de la fureur, les vanités individuelles. Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l'âge, ni le métier, ni la situation familiale; j'ose prétendre que tout cela m'est clair à la seule manière dont ils ont ôté leur manteau. Ce que je veux savoir, c'est de quelle façon ils ont survécu au désespoir d'être séparé de l'Un
par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez- vous de l'enfance, de la vieillesse et de la mort, et
comment ils supportent de n'être pas tout sur cette terre. Je ne veux pas les entendre parler de cette part convenue de la réalité, toujours la même, le petit monde interlope et maffieux: ce qu'une époque fait miroiter du ciel dans la flaque graisseuse de ses conventions ! Je veux savoir ce qu'ils perçoivent de l'immensité qui bruit autour d'eux. Et j'ai souvent peur du refus féroce qui règne aujourd'hui, à sortir du périmètre assigné, à honorer l'immensité du monde créé.. Mais ce dont j'ai plus peur encore, c'est de ne pas assez aimer, de ne pas assez contaminer de ma passion de vivre ceux que je rencontre.»
(Christiane Singer, "Les sept nuits de la Reine")

Dernière modification le jeudi 10 Janvier 2019 à 21:26:58

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